Défaillances d’entreprise : détecter et anticiper les signaux faibles de sa trésorerie
Publié le 10 Mar 2023
Temps de lecture : 5mn
Comptabilité, Conseil
Depuis maintenant 3 ans, les entreprises françaises doivent faire face à de multiples difficultés d’ordre conjoncturel auxquelles bien souvent viennent s’ajouter des problématiques structurelles.
Sans actions préventives, ces aléas auront des impacts forts sur la trésorerie des entreprises.
Mais repérés à temps, il est possible de corriger le tir et d’éviter les défaillances d’entreprise, lesquelles sont causées par une défaillance de trésorerie dans la plupart des cas en France.
Des difficultés qui s’accumulent pour les entreprises françaises
Les entreprises françaises accusent des difficultés depuis près de 3 ans. Sur un plan conjoncturel d’abord. En effet, suite à la crise de la COVID, de nombreuses conséquences se sont fait sentir. Rupture dans les chaînes d’approvisionnement, décalages de commandes, inflation, hausse des prix de l’énergie et des matières, pénurie de main d’œuvre, hausse des taux d’intérêts, sont autant de sources d’inconfort pour le tissu économique français.
A cela s’ajoutent aussi des difficultés d’ordre structurelles. On note parmi elles l’évolution des business model, les difficultés à retrouver le volume d’avant Covid, l’accroissement du taux d’endettement, la difficulté à répercuter les hausses de coûts sur les prix de vente, ou encore la dégradation des capitaux propres.
Depuis quelques mois, les statistiques illustrent de l’accélération des défaillances d’entreprises:
-
- Procédures amiables/de prévention (mandat ad hoc / conciliation) : +27,2% en 2022 vs 2021 (4777 mandats ad hoc et 2448 conciliations) (source : Conseil National des Administrateurs Judicaires et Mandataires Judiciaires)
-
- Procédures collectives (Sauvegarde/Redressement judiciaire/Liquidation judiciaire) : +45,3% en 2022 versus 2021 (source : Conseil National des Administrateurs Judicaires et Mandataires Judiciaires) et +43,2% entre janvier/février 2023 versus la même période 2022 (source : Conseil National des Greffiers des Tribunaux de Commerce – données nationales)
Adopter une posture préventive à travers un diagnostic financier et l’exercice de prévisions de trésorerie est la clé afin d’identifier la nature des difficultés, leur horizon et leur ampleur et prévoir les solutions les plus adéquates afin d’optimiser leur effet dans un soucis de pérennité de la société.
Etape 1 : anticiper les défaillances d’entreprise
L’anticipation passe avant tout par l’identification des signaux faibles et le diagnostic financier.
Cette étape est clé puisqu’elle va permettre au dirigeant, accompagné par son expert-comptable et/ou conseil, de réaliser un exercice de prévisions en tenant compte des difficultés auxquelles il doit faire face, et d’estimer leur impact en termes d’exploitation et surtout de trésorerie.
Voici quelques exemples de questions à se poser qui peuvent permettre d’identifier certains signaux faibles :
- suis-je en capacité de retrouver le volume d’avant Covid ou cet évènement remet il en cause mon business model ?
- quelle est l’incidence de l’inflation sur ma marge ? ai-je la faculté de répercuter les hausses de coûts à mes clients ? dans quelle proportion ?
- ma rentabilité future est elle suffisante pour absorber l’amortissement de ma dette bancaire (y compris le PGE) ?
- quelles sont les effets de l’instabilité économique sur mon BFR ? Comment ont évolué récemment mes conditions commerciales avec mes clients/fournisseurs ?
- comment vais-je financer mon plan d’investissements des 12 à 24 prochains mois ?
- suis-je en capacité d’honorer mes cotisations fiscales et sociales ou des délais supplémentaires semblent-ils nécessaires ?
- ….
Dans le doute, pensez à demander conseil et à vous faire accompagner par des professionnels qui sauront vous aiguiller sur les diagnostics à poser.
De nombreuses aides d’Etat ont été mis à disposition des entreprises fragilisées par ce contexte économique instable, mais ne suffisent pas toujours à leur redonner le souffle nécessaire. Pour en savoir plus, consultez nos articles sur les aides de l’Etat face à la hausse de l’électricité, ou celui sur les subventions européennes disponibles.
Etape 2 : identifier les solutions pour éviter les défaillances d’entreprise
Une fois le diagnostic posé, un large éventail de solutions s’offrent aux dirigeants d’entreprises afin de pérenniser leurs sociétés.
Le droit français met à leur disposition de nombreux outils selon le degré des difficultés rencontrées.
Les solutions préventives (confidentielles)
En premier lieu, le dirigeant a la possibilité de solliciter auprès du Président du Tribunal de Commerce l’accompagnement par un mandataire ad hoc ou conciliateur, dont le rôle est de rechercher toute solution permettant de préserver la continuité de la société, notamment en passant par une phase de négociation avec les principaux créanciers (souvent les banques).
La restructuration des engagements bancaires (notamment le réaménagement des PGE), la sollicitation de moratoires auprès des organismes fiscaux et sociaux, la sécurisation des financements court terme, sont quelques-uns des outils disponibles afin de préserver la trésorerie, et tout cela dans la plus stricte confidentialité.
Les solutions dîtes judiciaires
En second lieu, si les difficultés rencontrées par la société sont telles qu’elles remettent en cause sa pérennité, le dirigeant peut solliciter l’ouverture d’une procédure collective (sauvegarde ou redressement judiciaire) dont la mécanique s’illustre par le gel de l’intégralité de la dette (de toute nature) dès l’ouverture, et ce sur une durée de 6 à 18 mois selon la procédure choisie.
Cette période de franchise, appelée aussi « période d’observation », doit permettre au dirigeant de travailler sur des solutions de sortie. Selon l’ampleur des difficultés et les capacités de la société à y faire face, 3 options de sortie s’offrent au dirigeant :
- option 1 : la société est en capacité de présenter et supporter un plan de remboursement de sa dette sur une durée de 10 ans maximum. Dans ce cas, le dirigeant présentera au Tribunal de Commerce un projet de plan de sauvegarde ou de redressement
- option 2 : la société n’est pas en mesure de faire face au remboursement de son passif : dans ce cas, un appel d’offres sera publié par l’administrateur judiciaire afin de trouver des acquéreurs susceptibles de reprendre les actifs de la société et sauvegarder un maximum d’emplois
- option 3 : enfin, si aucune des deux solutions ci-avant n’est envisageable, la liquidation deviendra inévitable.
Conclusion
L’identification des signaux faibles le plus en amont possible permettra aux dirigeants d’avoir accès à un large panel de solutions préventives. La clé de la pérennité des entreprises reste donc plus que jamais l’anticipation afin d’éviter les défaillances d’entreprise, en maîtrisant sa trésorerie.
Partager sur :